Je vais vous parler d’un voisin de l’immeuble d’à côté.

C’est un monsieur âgé qui a perdu son seul fils il y a une dizaine d’années et sa femme il y a environ un an. Il vit seul, dans un petit immeuble de deux étages avec peu de voisins. Il travaillait dans une petite mercerie juste à côté qu’il a fermée quand son fils est décédé. Un jour, il nous a raconté qu’il continuait d’y travailler, étant déjà âgé, pour distraire son fils, handicapé, et lui permettre de voir du monde, de bavarder et parce que ça le rendait heureux. Tout simplement. Sa femme n’avait jamais froid et, été comme hiver, je la rencontrais chez la marchande de fruits en robe, sans collants, avec tout au plus un gilet en laine en plein hiver. Elle s’appelait Carmen, n’avait plus toute sa tête, mais elle était d’une incroyable gentillesse. Elle et son mari s’adoraient. Se promenaient main dans la main et s’asseyaient ensemble sur la marche devant l’entrée de leur immeuble voir passer les voisins. Ils m’ont toujours émue.

Puis un jour, une ambulance est venue la chercher et elle n’est plus rentrée. Son mari pleurait dans la rue, il était seul au monde.

Quand nous le croisons, il parle de sa solitude, la terrible solitude. Il dit qu’il attend la mort pour retrouver sa famille, c’est un enfer d’être seul dans sa maison.

Ça me touche terriblement. J’aimerais l’inviter boire un café, écouter ses histoires, les histoires d’un homme qui aurait pu être grand-père. Avec ses cheveux blancs, sa voix affaiblie, il a sûrement plein d’histoires à partager. J’aime écouter les personnes âgées parce que leurs yeux brillent, elles aiment se sentir écoutées. On l’oublie trop souvent, on les ignore trop souvent.

Nous allons le faire. La prochaine fois que nous le rencontrerons, nous allons l’inviter boire quelque chose de chaud ou de frais, comme il voudra. Ou une glace peut-être.

Promis, juré, craché, comme dirait ma fille. On va le faire. Pour lui, pour nous.

À bientôt,

Barbara Figueroa-Savidan